« Mon mea-culpa académique se fera à la session de juin. Je promets d’ores et déjà de me consigner à la restitution fidèle et intelligente du contenu du cours. »
C’est par ces paroles apocalyptiquement prophétiques que se terminait mon dernier mail. J’y faisais la promesse de cesser mes basses manœuvres visant à dissimuler ce que je ne savais pas sous le couvert de belles phrases, allégories, asymptotes et autres métaphores (cherchez l’intrus).
C’est donc bien décidé à me conformer à ce que l’on attend de la masse estudiantine que je me suis levé en ce matin du 19 juin 2004 à 06h00 pour passer mon examen de sociologie du travail en deuxième instance. Après les multiples péripéties qui sont habituellement le lot du voyage Chezmoi - UNIL, j’ai fini par atterrir dans l’auditoire B du CP1. Animé de toute ma bonne volonté régurgitatrice, j’ai ouvert le petit dossier qui se trouvait à ma place. Les Dieux étaient avec moi, me pardonnant du même coup le laïc aveuglement que je me borne à avoir lorsque je réfléchis au sens de ma vie. En effet, les deux questions posées étaient les mêmes – mot pour mot – que lors de la session précédente. A croire qu’une force à la fois mystique, mystérieuse et mysogine (certes, l’orthographe est faux, mais vous conviendrez que l’effet de champ lexical s’en trouve renforcé) s’efforçait de me mettre toutes les clés en main afin que je puisse réussir à atteindre le Graal du travail parfait, celui qui s’approcherait le plus de ce que l’on attendait de moi.
C’est donc la fleur au fusil et le cours en tête que je me suis attelé à répondre à la question de savoir pourquoi, alors que les formes atypiques d’emploi et la précarité salariale ne font qu’augmenter, on continue de considérer l’emploi fordiste (stable) comme la norme à laquelle on se réfère et quelles sont les profondes inégalités sociales qui en découlent. Il n’en fallu pas plus que cette tristement véridique affirmation pour que coule dans mon stylo l’encre de la révolte contre l’oppression phallocratique. Cela dit, j’eu tôt fait de réprimer la colère que je ressentais face à tant d’injustice. Je savais qu’il fallait que je fasse appel à toutes mes capacités de mémorisation et d’invocation afin de resservir au mieux les éléments du cours que je m’étais fait un plaisir d’assimiler. La chose ne fut pas aisée. Par moments, mes vieilles et mauvaises habitudes resurgissaient. De pernicieuses questions se pressaient dans mon esprit : « ne pourrait-on pas généraliser le phénomène et dépasser la réduction de tout ceci à une ségrégation entre les sexes ? », « certes, c’est ce que dit la prof, mais à mon sens, on pourrait voir ça autrement… ». Je vous ne le fais pas dire, voilà de bien dangereuses questions, que l’on serait bien avisé de chasser de son esprit lorsque l’on cherche la réussite universitaire. Heureusement, je m’étais préparé à ce genre d’éventualité. J’eu tôt fait de me ressaisir. C’est ainsi que, pour ne pas dire de fil en aiguille, de fautes de syntaxe en paraphrases je suis arrivé à terme de ce qu’il n’y a pas si longtemps j’aurais appelé un « honteux torchon sans âme, un brûlot insipide ». Et c’est d’un pas fier et décidé que je pus me frayer un chemin au milieu de ceux que je peux désormais appeler « mes semblables » pour me diriger vers les surveillants et leur remettre mon travail.
Et le résultat me direz-vous ? C’est avec une émotion non dissimulée que je vous annonce, chers amis, que mes efforts pour corriger mes vilains défauts analytico-critiques ont été récompensé. C’est en effet d’un 4.5 qu’a été sanctionné ce qu’il y a 6 mois j’aurais désigné comme une « lamentable merde d’étudiant lambda ».
L’honneur est sauf comme l’annonçait le titre de cette missive, il ne me reste plus qu’à remonter mon pantalon et tirer les enseignements de cette belle leçon de vie…